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4 janvier 2011 2 04 /01 /janvier /2011 19:31

Je me suis fait avoir comme un bleu.

Un débutant.

Or, à mon âge, c'est suspect.

Sous l'habit de ce passant égaré, j'aurais dû sur le champ débusquer le prosélyte.

Las, non.

Il m'a fait perdre dix minutes.

Si vous saviez comme ces dix minutes me manquent.

Voilà l'histoire :

Je suis dans la rue car j'ai une course à faire en ville.

Sur ma droite, à l'angle d'une autre rue perpendiculaire, un jeune homme.

Celui-ci m'aborde : "Pardon de vous déranger (…) Pourriez-vous m'indiquer la rue Louis Jouvet ?".

Je lui dis "Attendez… Elle n'est pas loin… Si vous permettez, je récapitule deux secondes… Oui, cette rue, je la connais …".

Le jeune homme patiente.

Je lui lance : "Derrière moi, la rue Louis Jouvet est derrière moi… C'est à deux ou trois cents mètres…".

Lui : "Ah, j'en ai eu de la chance de tomber sur vous ! Personne n'a su me dire où elle se trouvait".

Et c'est là que j'ai mis ma tête sur le billot.

En voulant faire le malin, bien sûr.

Enthousiaste, je lui dis : "Détrompez-vous. Je ne suis pas le messie".

Quand on n'est pas doué pour les bons mots, on devrait s'abstenir.

Et j'ai poursuivi (en réfléchissant) : "Ecoutez, oui, je pense que c'est la 2ème rue sur votre gauche. J'espère ne pas me tromper…".

J'ai répété ma mise en garde deux ou trois fois.

Et lui, très attentif il restait.

Je vais pour continuer ma route, ma course en ville, qui allait la faire ?

Et lui : "Juste une chose…".

Moi : "Oui ?".

Lui : "Jésus vous aime".

Et là, comme si ça n'avait pas suffi, je remets la tête sur le billot : je lui explique que le Très-Haut et moi, on ne se connaît pas. J'ajoute deux ou trois trucs.

Le gars qui cherchait son chemin est devenu intarissable sur l'intérêt qu'il y avait à croire en dieu.

C'est quand il a commencé à hausser la voix, écarter les bras, lever les yeux au ciel que je lui ai dis "Vous m'excuserez, mais j'ai un rendez-vous".

Là encore, j'ai dû me répéter.

Il parlait de l'homme qui n'est que péché quand j'ai pu enfin partir.

Dix minutes.

Dix minutes que ce jeune homme ne me rendra pas.

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