/fdata%2F3972570%2Favatar-blog-1173370204-tmpphp3njVNq.jpeg){kind=avatar}
Igor est en train de prendre du retard.
Il aura bientôt les poches pleines.
Il va lui falloir un sac.
Peut-être deux.
Pour l'emmener avec lui.
Comme vous êtes des personnes de bon sens, vous allez me croire.
Igor a une nouvelle particularité.
Il n'a rien acheté.
Il n'avait rien derrière la tête, je veux dire.
Il n'avait pas d'intention.
Ni d'ouvre-boîte, vous verrez que c'est un détail qui aura son importance.
Hier, Igor a bravé la tempête, il tenait à s'aérer.
Il a dû progresser un peu courbé dans sa promenade.
Le vent lui venait en pleine poire.
Son front a dû être trop malmené.
Il s'est fendu.`
Dans la largeur.
Igor n'est pas mécontent de ce nouvel état de fait.
Il ne songe pas à faire recoudre son crâne.
Quand il a besoin d'une idée, voire d'une pensée, il pioche dans sa tête.
Après avoir soulevé le couvercle.
C'est facile et bien pratique, dit-il.
Souvenez-vous : Igor n'a pas d'ouvre-boîte.
Igor s'est levé tôt ce matin.
Pour défiler.
Actuellement, il marche, il marche.
Mais il ne défile pas.
Il marche seul.
Il ne désespère pas encore.
Il se souvient qu'il avait oublié l'heure à laquelle son défilé partait.
Mais que ce n'était pas ce matin.
Il marche quand même car il veut arriver dans les premiers.
Selon lui, il n'y parviendra pas.
Déjà, le moral est attaqué par conséquent.
Ce qui n'est guère étonnant.
La journée a très mal commencé.
En se réveillant, Igor s'est senti seul.
Comment expliquer ?
D'autant que ce type est un solitaire.
Comme si, tout à coup, sa solitude ne lui convenait plus.
Comme si, dans la nuit, il avait changé.
Tandis que l'on bavardait, Igor a continué à marcher.
Il marche au hasard, là, encore maintenant.
Sa solitude le pousse vers l'avant.
Qui l'écarte du point de rendez-vous des manifestants.
Où va-t-on le retrouver ?
Et qu'est-ce qu'il va faire maintenant, Igor ?
Les facebookers ont décidé de s'inviter à sa fête d'anniversaire.
S'imaginant que ce type allait forcément faire une fête.
Que, même, c'était son anniversaire.
Alors qu'il est passé, l'anniversaire en question.
Mais que c'est celui-ci (pas le prochain) auquel ils ont entrepris de s'inviter.
Comment va réagir Igor ?
Il n'aura rien prévu pour ces pique-assiettes.
Il a horreur du genre, dépourvu de style.
Il n'empêche.
10 000 personnes qui sonnent à la porte.
Quand on n'en attendait pas un.
Quand on déteste faire un cas d'une année de plus dans les pattes.
Un contre 10 000.
Un contre 10 serait revenu au même.
D'ailleurs.
Un contre un aussi.
Y compris s'il n'est pas facebooker.
Comme quoi, le problème d'Igor a été mal posé.
Pas étonnant qu'il reste entier.
Voire pire, il serait bien devenu pire.
Chez Igor, il y a un truc gênant.
Son regard, c'est son regard qui met mal à l'aise.
Enfin… son absence de regard.
On voit dedans ses yeux.
On voit derrière.
On voit à l'intérieur.
Rassurez-vous, Igor a une excellente vue.
Aucun de ses potes (dont je suis) ne s'explique pourquoi, par les yeux, on puisse voir dans la tête d'Igor.
On passe à travers.
Sans le vouloir, je précise. C'est important.
Maintenant, pourquoi est-ce gênant ?
Parce qu'on lit ses pensées.
Oui, bananes, ce sont derrière les yeux que siègent les pensées.
On s'introduit dans son espace, sans en avoir l'intention.
Evidemment que tous ses potes le lui ont dit.
Igor nous a un peu rassurés : il était au courant.
C'est un question de vitres, nous a-t-il expliqué.
Un jour, en tombant, il les a cassées.
Le problème, a-t-il ajouté, c'est la pluie.
Dès qu'il y a une averse, mes pensées s'effacent.
Nous nous sommes cotisés.
Pour lui offrir des parapluies.
A quoi tiennent les impressions ?
Chez Igor (oui, le même), c'est aux chevilles.
Ses impressions s'accrochent là.
Il reçoit les informations à ce niveau.
Elles y restent scotchées.
Car, selon lui, c'est du scotch qui les fixe.
Eh bien, je crois que Igor a voulu m'épater.
Qu'il a lustré la réalité.
Que ses impressions tiennent par des agrafes.
Je le lui ai dit.
Il a concédé qu'il avait, en effet, arrangé la réalité.
Qu'à ses chevilles, ses impressions tenaient toutes seules.
Je préfère, lui ai-je répondu.
Quoique, ai-je ajouté (après un silence).
En es-tu bien sûr ? ai-je poursuivi.
Qu'est-ce qui te fait penser que mes impressions ne peuvent pas tenir toutes seules à mes chevilles ? a-t-il répliqué.
C'en était trop (Igor avait parlé sur un ton, je ne vous dis que ça).
J'ai regardé ses chevilles.
Et là, stupeur… et déception.
A ses chevilles, il y avait l'idée que Igor se faisait de mon air suspicieux.
Elle tenait toute seule à ses chevilles, je vous assure.
Igor va mieux.
Il vient de prendre une initiative.
Il s'est inscrit au concours de fleurissement de son quartier.
Il s'est inscrit hier.
Il s'est mis au travail hier.
Le résultat est déjà probant.
Comment s'est-il ainsi mis sur le chemin de la victoire ?
Comment a-t-il aussi vite pu compter sur un triomphe ?
Tout simplement.
Il s'est promené autour de sa maison.
Sur les rebords des fenêtres aussi.
Sous une pluie battante.
Puisqu'il pleuvait à verse.
Entre parenthèses, ça dure depuis un moment, ce temps.
Dévérouillé depuis hier, Igor débordait d'idées.
Aussi têtu que la pluie.
Il continue aujourd'hui de déborder d'idées.
Qui tombent.
Donc.
Qu'il sème.
Par conséquent.
Igor (mais si, vous vous souvenez…) est à court d'idées.
Ce qui est stupéfiant, c'est que conjointement, Igor n'est pas à court d'amis.
Qui pourrait croire le nombre de ses potes ne puisse pas, à un moment, irriguer le désert qui habite la tête d'Igor ?
Personne et Monsieur Personne aurait raison.
Sauf que.
Là, dans le cas d'Igor, je vous dis que ça ne marche pas (je suis de ses potes).
Rien, rien ne passe.
Précisons que ses amis (dont pour le coup je m'exclus) ne sont pas tous, question cervelle, des rigolos.
Mais non, rien n'y fait.
Les potes ont beau lui dégager des pistes.
Lui suggérer deux ou trois trucs.
Parfois davantage, de surcroît, mais là, je deviens rosse.
Eh bien, nada.
Igor n'a plus d'idées.
Igor n'a plus d'idée.
Il n'est plus poreux.
Ses potes (dont je ne devrais pas être sur ce coup) ont même essayé d'attaquer Igor de front.
Finis, les dégagements.
Finies, les suggestions.
Vas-tu nous entendre nom d'un chien.
Nos manières (la honte, j'ai la honte) ont eu un effet.
Positif, si l'on veut bien le considérer sur le long terme.
Igor s'est fâché avec nous tous.
Il est sorti de ses gonds.
Bon, là, je passe sur un moment qui fut, somme toute, pathétique.
Le verrou a sauté.
Reste à se réconcilier avec Igor pour le tester.
Mais, au vu de ce que j'ai vu, le temps de l'étanchéité est révolu.
Un jour, Igor se réveillera à l'heure.
A l'heure de ses prévisions.
Pour l'instant, ses espoirs sont déçus.
Mais il s'accroche.
D'ailleurs, d'une manière générale, ce type est un accrocheur.
Hélas, pour ses potes.
Qui ne le voient que très rarement (la dernière fois, c'était quand ? se demandent-ils) aboutir (c'est leur terme).
D'ailleurs, ils ne peuvent chasser de leurs têtes l'idée que ce type est un accrocheur, précisément parce qu'il ne décroche pas trop de cocotiers (nom d'un chien, la dernière fois, c'était quand ? se tourmentent-ils).
Igor ne s'est encore pas déplié.
Merci de bien vouloir l'excuser.
Il reprend un café.
Et peut-être un autre.
Pourvu qu'il ne se rendorme pas.
Le connaissant.
Faites ce que vous avez à faire.
Ce que j'en dis.
C'est d'Igor que je le tiens.
Le fripon.
