Non.

Parce qu'il n'y a rien à en attendre.

Reste à ne pas s'énerver.

D'aucuns ont le poil qui se hérisse à l'idée d'aller chez le dentiste.

D'autres sont démoralisés quand ils pensent que le jour de la visite à leur cousin approche.

Mais, dentiste et cousin ne sont pas des perspectives (c'est vrai déplorables) de TOUS les jours.

Tandis qu'il y a des maux quotidiens qui vous décourageraient des colosses, des têtes pensantes et les deux à la fois.

C'est dire si les freluquets et les têtes d'oiseau.

Sans compter que ces catastrophes journalières ne vous exemptent ni de la séance chez le dentiste, ni du passage chez le cousin.

Parmi ces barbaries du quotidien, il y a le terme "polémique".

Qui sert de réponse, pire : d'explication.

Et qui remplace… la controverse.

Un de mes potes vient d'être embauché.

Après deux ans de chômage.

Qu'il n'y ait pas cru tout de suite, j'ai trouvé ça logique.

Mais qu'il se pense tiré d'affaire, là, ça me préoccupe.

"Pas de période d'essai, du ferme et définitif "qu'il m'a dit.

"Et pas besoin de m'acheter une caisse, enfin d'en piquer une parce que sinon, je ne vois pas : je bosse depuis chez moi".

Hmm hmm (là, c'est ce que j'ai répliqué, circonspect).

"Je télétravaille".

Hmm hmm (idem).

"Je viens en appui d'un SAV. Dès qu'il est saturé d'appels, je prends le relais".

Je lui ai demandé s'il réparait par téléphone.

Il m'a rétorqué "Non, mais tu me vois piloter les appelants pour démonter leur fer à repasser ou leur machine à laver ?".

Je crois même qu'il a ajouté : "Rigolo, va…".

Je me suis tu, un peu vexé et très circonspect.

Lui : "Quand le SAV ne peut plus prendre les appels des consommateurs, on me dit d'y aller, de les faire patienter".

Moi : "Et tu sais faire ?".

Lui : "Je me débrouille pas mal, il paraît".

Moi : "Pas besoin de formation donc ?"

Lui : "Non, penses-tu, je n'ai jamais détesté chanter".

Moi : "Ton métier, c'est répondeur en somme ?".

Lui : "T'es pas bien ? C'est patienteur".

Moi : "Et pourquoi ta boîte n'utilise pas de répondeur… comme tout le monde ?".

Lui : "Parce que ce n'est pas humain".

Moi : "Et ça gagne bien ton boulot ?".

Lui : "Ça devrait…".

Moi : "Tu ne sais pas ?".

Lui : "C'est une boîte humaine, je te dis".

Moi : "Eh bien justement…".

Lui : "Tu n'es pas dans le trip, tu ne peux pas comprendre…".

Moi : "Enfin, tu es sûr qu'ils vont te payer ?".

Lui : "Oui, là n'est pas la question, ce que tu es matérialiste…".

Moi : "Bon, je vais y aller direct. Tu es rétribué comment ?".

Lui : "En compliments. Sur la base d'objectifs mensuels".

Moi : "Et au supermarché, tu vas leur servir ça ?".

Lui : "Je vais faire pareil. Madame la caissière, vous êtes ravissante, Monsieur le caissier, quel sourire… C'est un exemple. Mais ils m'ont promis que pas une personne ne résistait aux compliments".

Le rire est salutaire, voilà des lustres que la chose est dite.

Et vérifiée.

Mais voilà, je vois une différence entre le rire et la rigolade. Monsieur Larousse aussi, dans deux cas sur trois.

Non pas que le rire ait changé.

Mais il me semble qu'il s'est fait doubler par la rigolade.

Et je vais chercher si les anthropologues évoquent cette manie de se poiler.

De se poiler quand les dirigeants sont indécents.

J'ai l'impression de ne plus entendre des conversations.

Mais d'être cerné par des animateurs.

Comme un ensemble de contrecoups, voilà ce que je vois du monde si je regarde le JT à la télévision.

Des commentateurs, des commentateurs, des experts qui m'expliquent comment il faut regarder l'actualité.

Je ne connais même plus les faits qu'ils commentent, qu'ils analysent, dont ils tirent des tas de leçons.

A les regarder s'étourdir, je me dis que quelque chose ne tourne pas rond.

Imaginez un peu des élèves qui auraient à plancher sur un sujet que leur correcteur ignorerait.

Non, je ne suis pas correcteur de copies.

Et si j'y aspirais, dans ces conditions, je suis sûr que je n'y arriverais pas.

Il est des retards qui ne se refont pas.