Monsieur est facebookeur. Madame également. 

Monsieur a demandé à Madame si elle acceptait de devenir son "amie".

Et réciproquement.

Ni Monsieur, ni Madame n'a répondu à l'invitation.

Oui, mais.

Monsieur a beaucoup d'amis.

Madame aussi.

Monsieur voit bien, sur les murs de ses amis, que Madame ne s'en fait pas.

Madame voit bien, sur les murs de ses amis, que Monsieur se décontracte.

Monsieur en a tiré les conséquences.

Ce que Madame a appelé, de son côté, "avoir fait le point".

Monsieur est le mari de Madame et c'est bien assez.

Madame est l'épouse de Monsieur et qu'il s'estime heureux.

Amis, Monsieur et Madame ?

Jamais.

Qui n'est pas facebookeur ?

Qui n'a pas de jardin ?

Qui préfèrerait une chasse aux oeufs de Pâques plus intime que celle organisée par la commune ou par l'association Pourdevraiespâques ou par les deux en un (tonique) partenariat ? 

Qui verrait bien une compèt' new wave, plus d'jeune' en tout cas ?

Ceux-là peuvent semer leurs indices sur plusieurs murs facebook.

Comment cacher les oeufs dans le jardin que l'on n'a pas ? questionnerez-vous.

C'est oublier que, pour vos marmots, l'intérêt de Pâques, c'est chercher : les oeufs, c'est bon pour les Vieux.

C'est oublier que les années ont passé.

Et que les cloches…

(Oui, il en fallait un pour la faire).

Ras-le-bol de la "dictature de l'urgence" ? Adoptez donc la "slow attitude". Voilà ce qui se dit de plus en plus. Oui, mais comment décélérer ?

Vous persuader que vous allez faire école (sinon, vous allez gêner sur la route, dans la rue, dans les escalators, à la caisse du supermarché…).

Vous persuader vous-même que vous avez intérêt à lever le pied.

En procédant à petits pas.

Réclamer des vacances à votre patron (après lui avoir demandé une augmentation).

Convaincre votre demoiselle de vous rendre à vélo ou à pieds à la mer ("le voyage, c'est déjà les vacances").

Vous endormir au soleil (puisque désormais, vous avez le temps).

A la veille de reprendre votre poste, faire savoir à votre patron que vous êtes victime d'une insolation et que, par conséquent, vous différez votre retour.

Coupez alors vos cachets d'aspirine en petits morceaux pour vous retaper à un rythme humain.

Pro-fi-tez.

Pour Auguste, le papotage a ses limites.

Même en blagues, il n'y connaît rien.

Sans parler de l'orthographe, qui le met mal à l'aise.

Sa photo sur son profil ?

Quelque chose lui dit que l'idée n'est pas extra.

Son avatar ?

Un coeur tout simplement.

Pour son prénom, à connotation ancienne, Auguste a su s'y prendre (le débrouillard). Sur facebook, il s'appelle unomeunvret ("ça chante", dit-il).

Mais comment laisser un message explicite aux demoiselles ?

Longtemps, Auguste n'a rien écrit sur son mur. 

Mais, depuis hier, à l'adresse unomunvret ("ça chante", rappelle-t-il), les demoiselles entendent les battements de son coeur.

Premier commentaire d'une fille : "ardent".

C'est doucement parti, mais Auguste y croit : "Ça va dans le bon sens", dit-il.

Honorine n'est pas une nénette canon.

Loin s'en faut.

En même temps, à 87 ans.

Oui, mais.

Honorine cherche un compagnon.

Et elle est têtue.

Une copine à elle (dans les 67) lui a conseillé de s'inscrire sur facebook.

Honorine a son profil en ligne depuis un mois, la copine s'en est chargée parce que s'il avait fallu expliquer Internet à Honorine, on y serait encore.

Et Honorine compte déjà 10 amis.

Parmi eux, elle a repéré Auguste.

Leurs profils à tous deux collent vraiment, estime-t-elle.

Ils ont autant horreur de la musique, des livres, des films, des émissions tv. Ils adorent les jeux.

Mais surtout, Auguste avance ses pions.

En poète, car il a un côté poète.

L'avant-dernier commentaire qu'il ait laissé sur le mur d'Honorine est celui-ci : "Je ne vous contraint à rien, chère Honorine, mais sachez que je sais bricoler".

Et le dernier : "Pourvu que vous m'ayez bien compris, divine Honorine. En premier, je faisais allusion aux placards et à la plomberie. Je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu entre nous. La balle est dans votre camp".